Le karité est bien plus qu’un beurre. C’est un arbre qui ne pousse naturellement qu’en Afrique. C’est un héritage et une mémoire portée par des générations de femmes. C’est une économie qui nourrit des communautés, au sens propre comme au figuré.
Et pourtant, il nous échappe.
J’avoue, j’ai grandi en ne "respectant pas" ceux qui travaillaient le karité. C’était un travail banal, pour survivre. Rien de plus. Il suffit d’observer le regard qu’on porte aux vendeuses de karité dans nos marchés.
Parce qu’on nous a fait croire, insidieusement, sournoisement, que ce que nous avions chez nous n’était pas assez. On nous a "fait voir et comprendre" que le karité serait - est - mieux traité ailleurs. Et d’ailleurs, que le brut tel qu’il est, n’est pas assez. Le pire, c’est que parfois, les productrices elles-mêmes n’ont aucune idée de la convoitise que suscite leur beurre. Elles sont juste "honorées" que les "autres" veuillent bien acheter leur beurre de karité.
On a bradé leur travail, mais elles étaient heureuses de partager.
On a effacé leur savoir-faire. Mais elles gardent le sourire et continue à transmettre à ceux qui veulent bien apprendre.
On a réussi à leur faire croire que leur trésor valait moins que ce qu’il est. Elles ont fini par le croire.
Chaque année, à chaque saison du karité – qui n’a lieu qu’une fois par an – j’assiste à une scène de désolation : des coopératives préférant vendre tout leur stock aux compagnies étrangères, plutôt que d’imaginer qu’il puisse nourrir leur propre communauté, ou servir les entreprises nationales. Parce que “le karité va à l’extérieur”, c’est MIEUX.
Une scène de tristesse, de colère aussi. Parce que on a tendance à l’oublier, mais quand l’amande s’en va, la valeur s’en va avec elle. Plus les années passent, plus les parcs de à karité reculent, et plus il devient urgent de retrouver la fierté de nos ressources, et redonner valeur à nos propres mains.
L’une des missions de la Maison TOKE-N'SA
DE LA NÉCESSITÉ D'APPRENDRE DES AUTRES...
Ailleurs, certains ont compris l’importance de protéger leurs richesses. Le ginseng chinois, par exemple, a fait l’objet de politiques de valorisation et de traçabilité : recherche et développement, protection légale, rigueur des permis d’exportation…
Pourquoi le karité, qui ne pousse nulle part ailleurs au monde, ne bénéficierait-il pas du même respect ?
Depuis l’annonce du Nigéria de suspendre les exportations des amandes de karité, pour privilégier les entreprises locales et booster les activités autour du karité, il y a indignation. A raison, dans une certaine mesure. Nous n’avons pas encore les industries pour transformer à grande échelle. C’est factuel. Mais peut-être que l’opportunité se cache justement là.
Supposons qu’un pays dispose d’un volume considérable d’amandes, mais se heurte à des limites d’exportation, ce n’est plus seulement une question de débouchés.
C’est une invitation à investir dans des unités de transformation. Car rester éternellement de simples exportateurs, c’est accepter que la richesse créée par le karité nous échappe.
Transformer localement, c’est :
- générer des emplois durables,
- stimuler l’innovation cosmétique et agroalimentaire,
- renforcer le rôle des femmes, piliers de la filière
- et inscrire nos savoir-faire dans des produits finis qui racontent nos histoires.
Certains trouveront naïf d’espérer que les blocages éventuels qui découleront de ces décisions d’aujourd’hui, deviennent les dynamiques de demain. Mais l’histoire nous enseigne que les grandes mutations naissent souvent de la contrainte. Et la vie quotidienne nous apprend que adversité est mère de l’ingéniosité. Le confort lui n'a jamais apporté de changement.
Et si cette abondance d’amandes devenait le levier qui pousse États, investisseurs et communautés à bâtir enfin une industrie digne de nos ressources ?
Et si nous acceptions de croire ENFIN que nos terres ne sont pas seulement fertiles en matières premières, mais aussi en visions et en savoir-faire ?
Chez Maison Toke-n’sa, nous voulons croire en cette renaissance.Car le karité n’est pas seulement un produit de soin : c’est un patrimoine à protéger, à transformer, à transmettre et à faire respecter